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Une petite biographie

Pierre Brochard a consacré plus de 50 ans à sa passion : le dessin. 

Nous vous proposons de retracer ici les grandes étapes de sa vie et de sa carrière. Quel chemin parcouru depuis ses premiers dessins dans les années 1940... Redécouvrez les différents personnages auxquels il a donné vie et qui ont fait son succès. Observez également l'évolution de son style au travers de la multitude de sujets qu'il a traités au fil des années. Notre histoire commence en 1921...

Des débuts bien incertains

Des débuts bien incertains

Pierre Brochard naît le 23 mars 1921 à Issy-lès-Moulineaux. Louis, son père, est artisan ébéniste au faubourg Saint-Antoine, à Paris. Simone, sa mère, issue d’une famille alsacienne ayant opté pour la France en 1872, occupe divers petits emplois. Pierre a quatre ans quand naît un deuxième enfant, Maurice. De santé plus fragile que son frère aîné, les médecins conseillent l’air de la mer. Dès lors, malgré des revenus modestes, la famille passe chaque année quelques semaines de vacances à Villerville, sur la côte normande.

Pierre apprend le dessin industriel et entre, en 1940, dans la Société Rateau qui fabrique des pompes et des turbines. Il se fait très vite remarquer en dessinant les caricatures de ses collègues – et de ses chefs. Six mois plus tard, c’est l’Exode puis l’Occupation. Le travail reprend sous l’emprise allemande.

Pierre Brochard jeunesse
Pierre Brochard mariage

En 1943, réfractaire au STO (Service du Travail Obligatoire destiné à fournir de la main d’œuvre en Allemagne), il se cache en Normandie où il rejoint la Résistance, sous le nom de Pierre Barnier. Dès août 1944, il s’engage dans le 4e bataillon de marche de Normandie. Démobilisé fin 1945, il retrouve la vie civile. Sur les conseils de Joë Bridge dont il a fait connaissance au sein du réseau Vengeance, il suit des cours d’anatomie et s’oriente vers le dessin de presse.

En 1946, il épouse Jacqueline Périvier, petite-fille de Marguerite Durand, activiste féministe du début du XXe siècle (fondatrice du journal La Fronde et de la Bibliothèque des Femmes à Paris). Face au problème du logement à Paris, les deux jeunes mariés s’installent en Vendée, dans une petite maison du hameau de Roidan. Le couple vit chichement des caricatures que Pierre parvient à placer.

Grâce à Joë Bridge, il fait alors la connaissance de René Bonnet, le créateur de la série Fripounet et Marisette qui donne son titre à un journal destiné à la jeunesse des campagnes. Pierre s’oriente ainsi vers l’Union des Oeuvres, éditeur du journal Cœurs Vaillants qui achève d’installer ses bureaux au 31, rue de Fleurus, à Paris. C’est le début d’une production qui va s’intensifier rapidement et d’une relation de travail qui durera une quarantaine d’années (voir notre article: Petite histoire de la presse illustrée pour la jeunesse).

En 1948, le couple revient à Paris et loge dans la Cité des Artistes, à Montmartre. Pierre multiplie ses interventions dans la presse enfantine. Son style évolue et trouve sa personnalité. En 1951, il publie une première longue « histoire en bandes » (c’est le terme de l’époque pour la BD) : Échec à Sindral. Il s’agit de 26 épisodes qui paraissent d’abord dans Jeudi-Matin (hebdomadaire destiné à la jeunesse) puis dans Nord-Éclair.

Echec à Sindral - Pierre Brochard
Zéphyr : un modeste héros promis à un bel avenir

Zéphyr : un modeste héros promis à un bel avenir

Fort de sa première expérience avec la bande dessinée, Pierre Brochard propose un scénario à la rédaction de Fripounet et Marisette. Il s’agit d’une histoire à épisodes comprenant quatre personnages principaux : Tony et Clara, deux jeunes gens, frère et sœur, vivant à la campagne, avec leur chien Zamba. Ils font la connaissance d’un Parisien un peu farfelu, Zéphyr, qu’ils vont entraîner dans une aventure les menant à l’autre bout du globe. Il s’agit de Cap au sud qui paraît dans les pages du journal de janvier à juillet 1952.

Pour en savoir plus sur la création de cette histoire, consultez notre article sur la naissance des bandes dessinées.

Pierre Brochard à sa table à dessin - an
Fripounet et Marisette Cap au Sud

L’histoire remporte un franc succès et va connaître une suite immédiate intitulée Le Diamant rose de Singaradja, puis une autre, Le Ravin aux loups. Pierre Brochard ne sait pas encore que ces quatre personnages, et surtout Zéphyr, vont l’accompagner pendant plus de dix ans. A l’automne de 1953, débute la parution d’une nouvelle aventure intitulée Le Grand mur blanc, dont l’intrigue témoigne d’un événement ayant fortement marqué les Savoyards. L’année suivante voit la publication de La Montagne de l’oubli dont le récit débute en Bretagne et se poursuit à bord d’un chalutier jusqu’en… Australie. Et dès leur retour en Europe, Zéphyr entraîne bien malgré lui ses deux amis sur les traces de Messathi, le prince des sables (1955). Discrètement mais efficacement, Pierre y évoque des questions sociétales comme le racisme ou la féminisation de certains métiers. Ces trois dernières aventures marquent aussi une évolution dans le style du dessinateur qui s’oriente vers la ligne claire.

À cette époque, l’atmosphère morose de l’après-guerre s’efface peu à peu. La France se modernise et les Français vivent mieux. Place à l’humour ! Peu à peu, Zéphyr devient le héros principal des aventures, même si Tony, Clara (et le chien Zamba) volent toujours à son secours. Avec ses maladresses et sa naïveté, Zéphyr vient à bout des situations les plus dramatiques. Il devient la mascotte du journal Fripounet et Marisette dès les années 1955-56. Désormais, Pierre trouve l’inspiration au fil des vacances familiales, en Provence (Le Message passe à 21 heures - 1956) ou à Oléron (L’Escale du Balaou – 1957). Un séjour dans les Cévennes sera le point de départ pour Le Cavalier noir qui conduira nos héros dans un pays qui alors fait rêver : les États-Unis (1957-58). Puis, dans le contexte pro-européen de l’époque, Pierre imagine deux aventures sous forme de road trip en Allemagne, Autriche et Italie : Rendez-vous à Hirschenberg (1958) et La Tache de feu (1959), qui paraîtront également en albums. Après un épisode en Périgord (La Caverne de la Licorne – 1961), un autre au Pays Basque (Les Orchidées rouges, 1962), les aventures de Zéphyr se terminent avec Zéphyr et Pépita en 1963.

Zéphyr Pierre Brochard
Alex, Eurêka, Lestaque

Alex, Eurêka, Lestaque

Alors qu’en 1956, Pierre Brochard travaille à la septième aventure de Zéphyr, les éditions de la rue de Fleurus font appel à lui pour être le dessinateur d’une nouvelle série à paraître dans un autre journal du groupe, Cœurs Vaillants. Le scénariste travaille depuis plusieurs années déjà comme secrétaire de rédaction et auteur. Il est originaire de Toulon et, quoiqu’il soit demeure à Paris avec sa famille, conserve de forts liens avec sa région natale, …la Provence. Il se nomme Jean-Marie Pélaprat (1927-1995) mais les lecteurs le connaîtront sous le pseudonyme de Guy Hempay.

La première aventure de la série a pour titre La Flûte magique et débute au Havre. Elle met en scène un groupe de jeunes, les « X », avec pour personnages principaux, Alex et Eurêka, accompagnés du chien Tambour, un saint-bernard. L’énigme policière ne saurait trouver une fin heureuse sans l’intervention de la police et notamment d’un inspecteur au parler méridional, Lestaque, qui devient sous le crayon de Pierre Brochard le sosie du scénariste.

Vous voulez d'ailleurs en savoir plus sur la manière dont un dessinateur choisit la représentation de ses personnages ? Consultez notre article: Chasseurs de têtes.

Alex, Eurêka, Lestaque
Alex, Eurêka, Lestaque Coeurs Vaillants

Opération Furet, Appel à X, Y, Z, Le Cercle rouge, L’Épave du Zipangu, les titres s’enchaînent sans discontinuer. Au fil des années, Alex, Eurêka et Lestaque deviennent un trio inséparable de même que dans la vie réelle, une grande amitié se noue entre Pierre et Jean-Marie et entre les familles Brochard et Pélaprat. En 1959-60, paraît Le Trompettiste du Strasbourg-Paris dont les épisodes sont déclinés par son auteur en un récit dialogué faisant l’objet d’un coffret de dix petits disques. L’année suivante, l’ensemble est réuni sous la forme d’un album-disque 33 tours qui, en 1963, reçoit le Grand Prix de l’Académie du Disque. Cette consécration dénote de la part des éditions Fleurus une ouverture novatrice vers l’audio-visuel qui, malgré quelques autres essais, n’aura malheureusement pas de suite.

Même si Alex et Eurêka restent les héros de leurs aventures, l’inspecteur Lestaque joue un rôle de plus en plus important au cours des titres qui se succèdent : La Boîte à musique, Le Trésor du Roy, Silence ! On tourne, A coups de plume, Le Cheval de Brandevert, Lestaque attaque et Les Masques blancs. L’année 1963 marque une évolution notable car le titre Cœurs Vaillants, considéré comme désuet, est alors remplacé par J2 Jeunes (« J » comme jeudi, alors jour de congé dans les écoles). Aux côtés de Lestaque apparaît l’inspecteur Fricot, personnage totalement décalé dont les bévues animent de nombreux gags : au cours des années suivantes, il devient à lui seul un personnage clé des aventures. On peut aussi retrouver Lestaque autrement qu’en B.D., sous forme d’histoires complètes en texte, toujours illustré par Pierre Brochard, voire en roman-photo (avec Guy Hempay comme personnage principal !).

Au fil des années et de l’évolution de son traité graphique, Pierre Brochard actualise ses personnages. Lestaque, Fricot, Alex et Eurêka partagent encore 14 autres aventures tragi-comiques qui les mènent, tour à tour, en Europe centrale, en Espagne ou en Grèce mais aussi en Polynésie et au Brésil comme dans les bas-fonds de New York. Avec près de 900 planches, la série s’arrête en 1970 lorsque J2 Jeunes change de titre à son tour et devient Formule 1.

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Les personnages créés par Pierre Brochard dans la presse des éditions Fleurus

Un détour par le XVIIIe siècle : le chevalier de Saint-Clair

Lorsque prend fin la série Zéphyr au début de 1963, Pierre Brochard a déjà dans ses cartons un nouveau héros en préparation. Observateur attentif de la presse enfantine concurrente des productions Fleurus, il souhaite apporter du nouveau. En douze ans, les lecteurs ont en effet changé et leurs attentes aussi.

Désireux de rester entièrement maître de son sujet, comme scénariste et comme dessinateur, Pierre se tourne alors vers l’Histoire et les romans de cap et d’épée qui, depuis le XIXe siècle et Alexandre Dumas, jouissent toujours d’un grand succès. Mais il choisit un contexte très peu traité jusqu’à cette époque : le XVIIIe siècle et plus particulièrement le règne de Louis XV sur lequel il se documente abondamment (voir notre article Se documenter quand internet n'existait pas). Il imagine alors un jeune noble désargenté vivant dans une province éloignée de Paris et à cent lieues de la cour brillante mais futile de Versailles: la Bretagne.

Sous le crayon de Pierre Brochard, le nouveau héros ne tarde pas à prendre forme : ce sera le chevalier de Saint-Clair qui se trouve, dès ses débuts, en mauvaise posture pour s’être battu en duel (ce qui est interdit) et de surcroît la nuit de Noël. C’est le point de départ du premier épisode, Le Complot, dont la parution débute en septembre 1963 dans Fripounet. Dynamique, courageux et conscient de ses devoirs, mais avec la naïveté de sa jeunesse, Saint-Clair manque de se retrouver impliqué dans une sordide affaire de rapt de jeunes gens destinés à être expédiés, contre leur gré, comme main d’œuvre servile dans les colonies d’Amérique. Sur ce sujet paraît Le Serment du chevalier en 1964 qui enchaîne avec L’Épopée du Cormoran puis Le Repaire de l’Aigle en 1965.

Le chevalier de Saint Clair
Chevalier de Saint Clair Mission en Forêt Noire

A la façon dont il imaginait les aventures de Zéphyr, Pierre reste à l’affût de toute anecdote originale pour développer les scénarios du nouveau héros. Ses carnets de croquis ne le quittent pas, même au cours de brèves vacances. Il en rapporte des images qu’il transpose dans ses dessins.

Au-delà du personnage de Saint Clair, c'est aussi son cheval que Pierre doit représenter. Nous vous partageons les secrets de la représentation du mouvement en BD juste ici.

En 1966, trois aventures se succèdent : Quand l’Atalante reviendra, Le Chevalier et le brigand et En garde chevalier ! Saint-Clair fait alors une pause pour laisser à Pierre Brochard le temps de travailler à ses nombreux autres projets en BD, illustrations de presse ou éditoriales. Mais le héros revient, toujours aussi vaillant. Le personnage de Saint-Clair mûrit. Avec Mission en Forêt Noire, il entre de plein pied dans le Secret du roi, un service d’action et de renseignement mis en place par Louis XV pour défendre le royaume des puissances étrangères. D’une certaine façon, Pierre Brochard renoue ainsi avec ses souvenirs de jeunesse. Les Trois forts de l’ouest (1968) puis Le Loup des mers (1969) et, en 1971, Les Quatre secrets du manoir marqueront la fin de la série.

Un détour par le XVIIIe siècle : le chevalier de Saint Clair

Au tournant des années 1970

Dès les années 1968-70, la presse enfantine dans son ensemble connaît une crise d’intérêt qui entraîne une baisse des ventes et des abonnements. L’ « âge d’or » semble passé. Chaque journal explore alors de nouvelles formules et la BD s’oriente vers de nouveaux publics, plus particulièrement celui des ados et des jeunes adultes. Les publications se font de préférence sous la forme d’albums, ce qui leur assure une plus grande durée de vie.

Les éditions Fleurus n’échappent pas à cette évolution tout en persistant dans la formule "presse". Cœurs Vaillants, qui a déjà changé de titre en 1963 avec J2 Jeunes, devient Formule 1 en 1970. Âmes Vaillantes, baptisé tout d’abord J2 Magazine en 1963 également, devient Djin en 1974. Fripounet et Marisette, rebaptisé Fripounet en 1969 puis regroupé avec Triolo, poursuit sa ligne éditoriale et sa publication, mais avec des difficultés grandissantes, jusqu’à la fin des années 1990. Auteurs et dessinateurs subissent les contrecoups de ces transformations : la série Alex, Eurêka, Lestaque s’arrête en 1970, Le Chevalier de Saint-Clair en 1971. Pierre Brochard a alors 50 ans.

Perrac Formule 1
Pierre Brochard - Eric et Lespadon

Avec son ami Jean-Marie Pélaprat, alias Guy Hempay, qui en assure le scénario et les dialogues, Pierre crée alors un nouveau héros, Perrac-la-Rapière, accompagné de son habile et précieux serviteur, Pactole. Il revient ainsi au roman de cape et d’épée classique, situé au XVIIe siècle : les péripéties, où l’on note des clins d’œil à Théophile Gautier et Alexandre Dumas tout autant qu’à Michel Zévaco, conduisent le lecteur dans une sorte de pastiche humoristique. La première aventure, intitulée Estramaçon et flamberge, paraît dans Formule 1 dès 1971. Elle donne naissance à une série de douze épisodes, publiés jusqu’en 1980.

Parallèlement, sur un scénario de Jean-Marie Nadaud, Pierre met en images les aventures d’Eric et Lespadon qui se déroulent dans le milieu maritime. La série connaît quatre épisodes, parus dans Fripounet de 1971 à 1973. Puis, de 1974 à 1979, et de nouveau en collaboration avec Jean-Marie Pélaprat, Pierre Brochard dessine pour le même journal les quatre épisodes de Théo Besagne. Puis, de 1980 à 1983, il signe encore, sur un scénario de Robert Génin, les sept épisodes de Maître Chang, un Chinois adepte des arts martiaux… au plein cœur du Moyen Âge européen.

Tout en renouvelant son style, Pierre Brochard s’éloigne peu à peu des nouvelles orientations de la bande dessinée. Insensiblement, il a déjà choisi une autre voie qui correspond mieux à son trait réaliste et à son intérêt pour la reconstitution historique.

Pierre Brochard - Maître Chang
Au tournant des années 1970
La BD comme vecteur culturel

La BD comme vecteur culturel

Pierre Brochard a, depuis ses premières années de dessinateur, manifesté un réel intérêt pour la représentation de scènes historiques avec une recherche de plus en plus accentuée de l’authenticité, dans les faits, les personnages et leur cadre de vie. Sa rencontre avec Jean-Marie Pélaprat, homme de grande culture et passionné d’Histoire, s’est révélée décisive. Au-delà des aventures d’Alex, Eurêka et l’inspecteur Lestaque, leur collaboration va s’étendre à bien d’autres sujets.

Aux éditions Fleurus, les planches abordant des thèmes historiques sont essentiellement présentes dans le journal Âmes Vaillantes – devenu plus tard J2 Magazine puis Djin – dont les lectrices semblent particulièrement sensibles aux brèves histoires complètes, bien documentées, qui y apparaissent. Il s’agit là d’une petite révolution car la BD, jusqu’alors bien souvent méprisée, est considérée, au mieux, comme récréative bien plus qu’éducative.

En 1965, paraissent dix épisodes signés Pélaprat et Brochard consacrés à un mystère qui passionne les historiens depuis Voltaire : l’énigme du Masque de fer. Dans la foulée, les deux compères proposent à la rédaction une suite de quinze épisodes consacrés à un destin exceptionnel et tragique : la vie de Marie-Antoinette, reine de France et épouse de Louis XVI. Sous le titre De l’or à la pourpre, cette biographie intimiste, s’intéressant tout particulièrement à la personnalité de la reine, couvrira 45 planches publiées durant l’année 1966. Elle est suivie d’une nouvelle série ayant pour titre Le Roi a disparu et consacrée, elle, à une autre énigme de l’Histoire, celle de "Louis XVII". Les grandes séries historiques se prolongent en 1969 avec De l’île de beauté à l’île de malheur qui retrace la vie de Napoléon Bonaparte dont on célèbre cette année-là le bicentenaire.

Napoléon par Pierre Brochard
Chevalier au tournoi - Pierre Brochard

Sur le thème historique, Pierre Brochard ne se limite pas à l’horizon Fleurus mais intervient, dès 1963, dans Francs-Jeux, journal éducatif publié par la Ligue de l’Enseignement et diffusé au sein des écoles publiques, de même que Terre des Jeunes, magazine destiné aux élèves des collèges. En dix ans, Pierre y signe une cinquantaine de sujets sur les scénarios de différents auteurs, allant de l’histoire des moyens de transport aux « Merveilles du monde », et à la vie du général Hoche ou du chevalier Bayard. Là encore, l’emploi du document le plus fiable possible est un souci permanent.

En tant que contributeur des éditions Fleurus, Pierre a, dès ses débuts, été amené à imager la vie pastorale soit dans les trois journaux principaux de l’Union des Œuvres, soit pour des publications parallèles comme Le Chœur, le journal destiné aux enfants servant le service religieux auprès du prêtre. De 1955 à 1965, il y illustre, entre autres, des histoires qui témoignent de la vie de certains personnages présents dans la tradition catholique.

A la fin des années 1970, il fait la connaissance du Père Thivollier qui lui propose de participer à une œuvre d’importance majeure, totalement novatrice à cette époque, la Bible en bandes dessinées. Membre actif de la congrégation des Frères de la Charité, Pierre Thivollier (1910-2004) s’est investi, durant la Seconde Guerre mondiale, dans l’aide aux personnes frappées par les effets du conflit : réfugiés, juifs, victimes des bombardements… Dès 1945, il a publié Le Libérateur, un livre expliquant le sens et la modernité de la parole de Jésus, dans un langage simple, actuel et percutant.

Pierre Brochard apprécie la vision humaniste du Père Thivollier et lui reste fidèle pour illustrer une vie de Jésus en bandes dessinées qui paraît tout d’abord en plusieurs fascicules aux éditions Cheminements (1977). Le dessinateur y applique toujours la même rigueur documentaire concernant le cadre historique, les costumes, les monuments. Quelques années plus tard, les planches sont reprises par les éditions du Bosquet puis reliées dans une série de 12 volumes sous le label Hachette (1982). Essentielle pour l’auteur, la série des Paraboles vient compléter le sujet.

Afin de prolonger la réflexion, les deux hommes travaillent ensuite à mieux faire connaître le Bouddhisme, l’Hindouisme, l’Islam, Confucius et Lao Tseu, dont les planches paraissent de 1987 à 1990.

Avec les années, l’intérêt pour les sujets historiques s’amplifie. Pierre Brochard est de plus en plus souvent sollicité, en-dehors du domaine strict de la BD, pour illustrer divers récits, fiches et posters documentaires, ce qui va bientôt l’orienter vers d’autres éditeurs.

Pierre Brochard illustre les différentes religions

Une nouvelle façon de montrer l’Histoire

A la fin des années 1970, la maison Hachette lui propose d’illustrer un album de la célèbre collection La Vie privée des hommes sur le thème de la marine à voiles du 18e siècle. Le projet comprend plus de 120 images en quadrichromie qui mêlent des scènes vivantes et animées à des détails propres à la construction navale. Les connaissances sur les procédés de construction de la vieille marine sont, alors, plutôt l’affaire de spécialistes et ne sont guère accessibles au grand public comme de nos jours. Pierre Brochard, qui s’est toujours passionné pour le monde maritime, possède, de par sa formation initiale, le sens pratique et technique nécessaire à ce projet passionnant (voir notre focus sur la représentation des navires anciens). L’ensemble du projet représente donc pour l’artiste plus de 18 mois de recherches documentaires, d’esquisses et de mises au point qu’il mène de front avec ses autres réalisations. L’ouvrage paraît en 1979 et fera l’objet de plusieurs rééditions jusqu’en 1991. Pierre signe là l’une de ses plus belles réalisations.

flûtes hollandaises Pierre Brochard

Dès l’achèvement de celui-ci, Pierre travaille à un second ouvrage traitant de l’Antiquité celtique. Il a alors pour partenaire le professeur Louis-René Nougier (1912-1995), préhistorien mondialement connu. La collaboration s’avère fructueuse car si l’artiste ne détient pas tout le savoir scientifique d’un spécialiste, l’archéologue, lui, ne saurait pas traduire en images les connaissances patiemment recueillies au cours de ses recherches. Ce nouvel album, intitulé La vie privée des hommes au temps des Gaulois, paraît en 1981 et connaîtra de nombreuses rééditions durant plus de 30 ans !

Titres collection Monde en poche_edited_

Devenu l’un des spécialistes de l’illustration documentaire, Pierre fait la connaissance de Martine et Daniel Sassier avec qui il se lie d’amitié et qui seront ses meilleurs « agents » pendant une quinzaine d’années. C’est avec eux, au sein de la structure AMDS, qu’il participe à la création d’une nouvelle collection chez Nathan, les Monde en poche. Toujours dans l’esprit « vie quotidienne », il s’agit cette fois de petits ouvrages au format poche et illustrés, au début, en noir et blanc. Les premiers titres, parus en 1983, sont Chevaliers et châteaux-forts et Dans un village gaulois. De multiples sujets enrichiront cette collection, pour laquelle Pierre illustre aussi la vie des cap-horniers et des sous-mariniers, puis Aux sources du Nil sur un texte de l’explorateur et géographe Bernard Pierre (1920-1997).

A cette même période, Pierre contribue, pour les éditions Nathan, à une Histoire de France comprenant une abondante iconographie mêlant les photos de documents originaux et des scènes dessinées illustrant la vie quotidienne. L’ouvrage paraît en 1984. Cette même année, il signe également l’album Le Krak des chevaliers, une forteresse au temps des croisades chez Albin Michel pour la collection Un lieu, des hommes, une histoire. Désormais, Pierre Brochard travaille souvent en tandem avec son fils Philippe, devenu historien.

De même, il réalise pour l’éditeur Nathan les illustrations de deux ouvrages dans la collection Monde en Poche, l’un ayant pour titre La Vie à bord d’un sous-marin (1985) et l’autre Les Grands voiliers au temps des Cap-Horniers (1986). En 1987, les éditions Fleurus lui commandent une bande dessinée documentaire sur la Société Nationale des Sauveteurs en Mer. Ce sera SOS Gwenn Mor (1987), album pour lequel il recueille sa documentation, sur site, auprès des sauveteurs bénévoles de la station de Saint-Malo.

SOS Gwenn Mor Pierre Brochard

Plus tard encore, Pierre signe chez Albin Michel Barcelone, un port à l’aube des Grandes Découvertes (1992), un sujet sur lequel la documentation visuelle est extrêmement rare et pour lequel le dessinateur doit exercer tout son talent pour rester dans la logique des chantiers et des marins catalans du 15e siècle.

Découvrez aussi comment l'art au sens plus général a permis, à la manière de ces publications, de raconter le quotidien des peuples à travers l'Histoire.

Une nouvelle façon de montrer l’Histoire

Les années morétaines

En 1981, Pierre et ses enfants s’installent à Moret-sur-Loing, petite ville située au sud de la forêt de Fontainebleau. Ils y retrouvent quelques attaches familiales et un environnement séduisant. Tout en poursuivant ses travaux éditoriaux, Pierre Brochard s’implique progressivement dans la vie culturelle de la ville et de la région où il est nouvellement installé. Sur l’initiative de quelques bénévoles, Moret-sur-Loing a été, dès 1968, le théâtre d’un spectacle de son et lumières animé de figurants (morétains bénévoles) en costumes d’époque, ce qui était alors une grande innovation. Pendant plus d’une trentaine d’années, des milliers de spectateurs se sont pressés sur les bords du Loing pour revivre, à la nuit tombée, quelques instants féériques sous la forme de tableaux imagés et vivants, parcourant l’Histoire depuis l’époque gallo-romaine jusqu’au temps des Impressionnistes.

Pierre Brochard - Moret sur Loing
Pierre Brochard

Le savoir-faire de Pierre ne tarde pas à être sollicité. Par ses travaux, il contribue à la renommée du festival, aux activités de l’OCALM (Office de coordination à l’animation locale de Moret-sur-Loing), à l’association des Amis de Moret, à l’Office de tourisme et au GAM (Groupe artistique de Moret). Il réalise ainsi de nombreuses affiches et illustrations, souvent aussi quelques caricatures humoristiques. Il participe aux animations et, passionné par l’histoire locale, il se fait même guide-conférencier.

Pierre contribue également à diverses brochures touristiques concernant le sud Seine-et-Marne et la région du Gâtinais, les lieux fréquentés par les peintres de Barbizon et les Impressionnistes (voir notre article Artistes entre Seine et Loing). Comme eux, il aime aussi parcourir la forêt ou les bords du Loing, carnet de croquis en main. Enfin, il anime pendant plusieurs années un groupe d’artistes amateurs à qui il transmet ses conseils techniques lorsqu’ils s’exercent en atelier ou sur le motif.

Vaincu par une longue maladie, Pierre Brochard s’éteint le 22 mars 2001, la veille de son 80e anniversaire. Jusqu’à ses derniers jours, il gardera à portée de main trois objets : son carnet de croquis, son stylomine et sa gomme. Le dessin était sa passion.

Pierre Brochard - Affiche Alfred Sisley
Les années morétaines
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