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Une petite biographie

Pierre Brochard a consacré plus de 50 ans à sa passion : le dessin. 

Nous vous proposons de retracer ici les grandes étapes de sa vie et de sa carrière. Quel chemin parcouru depuis ses premiers dessins dans les années 1940... Redécouvrez les différents personnages auxquels il a donné vie et qui ont fait son succès. Observez également l'évolution de son style au travers de la multitude de sujets qu'il a traités au fil des années. Notre histoire commence en 1921...

Des débuts bien incertains

Des débuts bien incertains

Pierre Brochard naît le 23 mars 1921 à Issy-lès-Moulineaux. Louis, son père, est artisan ébéniste au faubourg Saint-Antoine, à Paris. Simone, sa mère, issue d’une famille alsacienne ayant opté pour la France en 1872, occupe divers petits emplois. Pierre a quatre ans quand naît un deuxième enfant, Maurice. De santé plus fragile que son frère aîné, les médecins conseillent l’air de la mer. Dès lors, malgré des revenus modestes, la famille passe chaque année quelques semaines de vacances à Villerville, sur la côte normande.

Pierre apprend le dessin industriel et entre, en 1940, dans la Société Rateau qui fabrique des pompes et des turbines. Il se fait très vite remarquer en dessinant les caricatures de ses collègues – et de ses chefs. Six mois plus tard, c’est l’Exode puis l’Occupation. Le travail reprend sous l’emprise allemande.

Pierre Brochard jeunesse
Pierre Brochard mariage

En 1943, réfractaire au STO (Service du Travail Obligatoire destiné à fournir de la main d’œuvre en Allemagne), il se cache en Normandie où il rejoint la Résistance, sous le nom de Pierre Barnier. Dès août 1944, il s’engage dans le 4e bataillon de marche de Normandie. Démobilisé fin 1945, il retrouve la vie civile. Sur les conseils de Joë Bridge dont il a fait connaissance au sein du réseau Vengeance, il suit des cours d’anatomie et s’oriente vers le dessin de presse.

En 1946, il épouse Jacqueline Périvier, petite-fille de Marguerite Durand, activiste féministe du début du XXe siècle (fondatrice du journal La Fronde et de la Bibliothèque des Femmes à Paris). Face au problème du logement à Paris, les deux jeunes mariés s’installent en Vendée, dans une petite maison du hameau de Roidan. Le couple vit chichement des caricatures que Pierre parvient à placer.

Grâce à Joë Bridge, il fait alors la connaissance de René Bonnet, le créateur de la série Fripounet et Marisette qui donne son titre à un journal destiné à la jeunesse des campagnes. Pierre s’oriente ainsi vers l’Union des Oeuvres, éditeur du journal Cœurs Vaillants qui achève d’installer ses bureaux au 31, rue de Fleurus, à Paris. C’est le début d’une production qui va s’intensifier rapidement et d’une relation de travail qui durera une quarantaine d’années (voir notre article: Petite histoire de la presse illustrée pour la jeunesse).

En 1948, le couple revient à Paris et loge dans la Cité des Artistes, à Montmartre. Pierre multiplie ses interventions dans la presse enfantine. Son style évolue et trouve sa personnalité. En 1951, il publie une première longue « histoire en bandes » (c’est le terme de l’époque pour la BD) : Échec à Sindral. Il s’agit de 26 épisodes qui paraissent d’abord dans Jeudi-Matin (hebdomadaire destiné à la jeunesse) puis dans Nord-Éclair.

Echec à Sindral - Pierre Brochard
Zéphyr : un modeste héros promis à un bel avenir

Zéphyr : un modeste héros promis à un bel avenir

Fort de sa première expérience avec la bande dessinée, Pierre Brochard propose un scénario à la rédaction de Fripounet et Marisette. Il s’agit d’une histoire à épisodes comprenant quatre personnages principaux : Tony et Clara, deux jeunes gens, frère et sœur, vivant à la campagne, avec leur chien Zamba. Ils font la connaissance d’un Parisien un peu farfelu, Zéphyr, qu’ils vont entraîner dans une aventure les menant à l’autre bout du globe. Il s’agit de Cap au sud qui paraît dans les pages du journal de janvier à juillet 1952.

Pour en savoir plus sur la création de cette histoire, consultez notre article sur la naissance des bandes dessinées.

Pierre Brochard à sa table à dessin - an
Fripounet et Marisette Cap au Sud

L’histoire remporte un franc succès et va connaître une suite immédiate intitulée Le Diamant rose de Singaradja, puis une autre, Le Ravin aux loups. Pierre Brochard ne sait pas encore que ces quatre personnages, et surtout Zéphyr, vont l’accompagner pendant plus de dix ans. A l’automne de 1953, débute la parution d’une nouvelle aventure intitulée Le Grand mur blanc, dont l’intrigue témoigne d’un événement ayant fortement marqué les Savoyards. L’année suivante voit la publication de La Montagne de l’oubli dont le récit débute en Bretagne et se poursuit à bord d’un chalutier jusqu’en… Australie. Et dès leur retour en Europe, Zéphyr entraîne bien malgré lui ses deux amis sur les traces de Messathi, le prince des sables (1955). Discrètement mais efficacement, Pierre y évoque des questions sociétales comme le racisme ou la féminisation de certains métiers. Ces trois dernières aventures marquent aussi une évolution dans le style du dessinateur qui s’oriente vers la ligne claire.

À cette époque, l’atmosphère morose de l’après-guerre s’efface peu à peu. La France se modernise et les Français vivent mieux. Place à l’humour ! Peu à peu, Zéphyr devient le héros principal des aventures, même si Tony, Clara (et le chien Zamba) volent toujours à son secours. Avec ses maladresses et sa naïveté, Zéphyr vient à bout des situations les plus dramatiques. Il devient la mascotte du journal Fripounet et Marisette dès les années 1955-56. Désormais, Pierre trouve l’inspiration au fil des vacances familiales, en Provence (Le Message passe à 21 heures - 1956) ou à Oléron (L’Escale du Balaou – 1957). Un séjour dans les Cévennes sera le point de départ pour Le Cavalier noir qui conduira nos héros dans un pays qui alors fait rêver : les États-Unis (1957-58). Puis, dans le contexte pro-européen de l’époque, Pierre imagine deux aventures sous forme de road trip en Allemagne, Autriche et Italie : Rendez-vous à Hirschenberg (1958) et La Tache de feu (1959), qui paraîtront également en albums. Après un épisode en Périgord (La Caverne de la Licorne – 1961), un autre au Pays Basque (Les Orchidées rouges, 1962), les aventures de Zéphyr se terminent avec Zéphyr et Pépita en 1963.

Zéphyr Pierre Brochard
Alex, Eurêka, Lestaque

Alex, Eurêka, Lestaque

Alors qu’en 1956, Pierre Brochard travaille à la septième aventure de Zéphyr, les éditions de la rue de Fleurus font appel à lui pour être le dessinateur d’une nouvelle série à paraître dans un autre journal du groupe, Cœurs Vaillants. Le scénariste travaille depuis plusieurs années déjà comme secrétaire de rédaction et auteur. Il est originaire de Toulon et, quoiqu’il soit demeure à Paris avec sa famille, conserve de forts liens avec sa région natale, …la Provence. Il se nomme Jean-Marie Pélaprat (1927-1995) mais les lecteurs le connaîtront sous le pseudonyme de Guy Hempay.

La première aventure de la série a pour titre La Flûte magique et débute au Havre. Elle met en scène un groupe de jeunes, les « X », avec pour personnages principaux, Alex et Eurêka, accompagnés du chien Tambour, un saint-bernard. L’énigme policière ne saurait trouver une fin heureuse sans l’intervention de la police et notamment d’un inspecteur au parler méridional, Lestaque, qui devient sous le crayon de Pierre Brochard le sosie du scénariste.

Vous voulez d'ailleurs en savoir plus sur la manière dont un dessinateur choisit la représentation de ses personnages ? Consultez notre article: Chasseurs de têtes.

Alex, Eurêka, Lestaque
Alex, Eurêka, Lestaque Coeurs Vaillants

Opération Furet, Appel à X, Y, Z, Le Cercle rouge, L’Épave du Zipangu, les titres s’enchaînent sans discontinuer. Au fil des années, Alex, Eurêka et Lestaque deviennent un trio inséparable de même que dans la vie réelle, une grande amitié se noue entre Pierre et Jean-Marie et entre les familles Brochard et Pélaprat. En 1959-60, paraît Le Trompettiste du Strasbourg-Paris dont les épisodes sont déclinés par son auteur en un récit dialogué faisant l’objet d’un coffret de dix petits disques. L’année suivante, l’ensemble est réuni sous la forme d’un album-disque 33 tours qui, en 1963, reçoit le Grand Prix de l’Académie du Disque. Cette consécration dénote de la part des éditions Fleurus une ouverture novatrice vers l’audio-visuel qui, malgré quelques autres essais, n’aura malheureusement pas de suite.

Même si Alex et Eurêka restent les héros de leurs aventures, l’inspecteur Lestaque joue un rôle de plus en plus important au cours des titres qui se succèdent : La Boîte à musique, Le Trésor du Roy, Silence ! On tourne, A coups de plume, Le Cheval de Brandevert, Lestaque attaque et Les Masques blancs. L’année 1963 marque une évolution notable car le titre Cœurs Vaillants, considéré comme désuet, est alors remplacé par J2 Jeunes (« J » comme jeudi, alors jour de congé dans les écoles). Aux côtés de Lestaque apparaît l’inspecteur Fricot, personnage totalement décalé dont les bévues animent de nombreux gags : au cours des années suivantes, il devient à lui seul un personnage clé des aventures. On peut aussi retrouver Lestaque autrement qu’en B.D., sous forme d’histoires complètes en texte, toujours illustré par Pierre Brochard, voire en roman-photo (avec Guy Hempay comme personnage principal !).

Au fil des années et de l’évolution de son traité graphique, Pierre Brochard actualise ses personnages. Lestaque, Fricot, Alex et Eurêka partagent encore 14 autres aventures tragi-comiques qui les mènent, tour à tour, en Europe centrale, en Espagne ou en Grèce mais aussi en Polynésie et au Brésil comme dans les bas-fonds de New York. Avec près de 900 planches, la série s’arrête en 1970 lorsque J2 Jeunes change de titre à son tour et devient Formule 1.

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Les personnages créés par Pierre Brochard dans la presse des éditions Fleurus

Un détour par le XVIIIe siècle : le chevalier de Saint-Clair

Lorsque prend fin la série Zéphyr au début de 1963, Pierre Brochard a déjà dans ses cartons un nouveau héros en préparation. Observateur attentif de la presse enfantine concurrente des productions Fleurus, il souhaite apporter du nouveau. En douze ans, les lecteurs ont en effet changé et leurs attentes aussi.

Désireux de rester entièrement maître de son sujet, comme scénariste et comme dessinateur, Pierre se tourne alors vers l’Histoire et les romans de cap et d’épée qui, depuis le XIXe siècle et Alexandre Dumas, jouissent toujours d’un grand succès. Mais il choisit un contexte très peu traité jusqu’à cette époque : le XVIIIe siècle et plus particulièrement le règne de Louis XV sur lequel il se documente abondamment (voir notre article Se documenter quand internet n'existait pas). Il imagine alors un jeune noble désargenté vivant dans une province éloignée de Paris et à cent lieues de la cour brillante mais futile de Versailles: la Bretagne.

Sous le crayon de Pierre Brochard, le nouveau héros ne tarde pas à prendre forme : ce sera le chevalier de Saint-Clair qui se trouve, dès ses débuts, en mauvaise posture pour s’être battu en duel (ce qui est interdit) et de surcroît la nuit de Noël. C’est le point de départ du premier épisode, Le Complot, dont la parution débute en septembre 1963 dans Fripounet. Dynamique, courageux et conscient de ses devoirs, mais avec la naïveté de sa jeunesse, Saint-Clair manque de se retrouver impliqué dans une sordide affaire de rapt de jeunes gens destinés à être expédiés, contre leur gré, comme main d’œuvre servile dans les colonies d’Amérique. Sur ce sujet paraît Le Serment du chevalier en 1964 qui enchaîne avec L’Épopée du Cormoran puis Le Repaire de l’Aigle en 1965.

Le chevalier de Saint Clair
Chevalier de Saint Clair Mission en Forêt Noire

A la façon dont il imaginait les aventures de Zéphyr, Pierre reste à l’affût de toute anecdote originale pour développer les scénarios du nouveau héros. Ses carnets de croquis ne le quittent pas, même au cours de brèves vacances. Il en rapporte des images qu’il transpose dans ses dessins.

Au-delà du personnage de Saint Clair, c'est aussi son cheval que Pierre doit représenter. Nous vous partageons les secrets de la représentation du mouvement en BD juste ici.

En 1966, trois aventures se succèdent : Quand l’Atalante reviendra, Le Chevalier et le brigand et En garde chevalier ! Saint-Clair fait alors une pause pour laisser à Pierre Brochard le temps de travailler à ses nombreux autres projets en BD, illustrations de presse ou éditoriales. Mais le héros revient, toujours aussi vaillant. Le personnage de Saint-Clair mûrit. Avec Mission en Forêt Noire, il entre de plein pied dans le Secret du roi, un service d’action et de renseignement mis en place par Louis XV pour défendre le royaume des puissances étrangères. D’une certaine façon, Pierre Brochard renoue ainsi avec ses souvenirs de jeunesse. Les Trois forts de l’ouest (1968) puis Le Loup des mers (1969) et, en 1971, Les Quatre secrets du manoir marqueront la fin de la série.