L'art du mouvement
Un cas d’école : comment dessiner un cheval au galop ?
Scènes de bataille, romans de cape et d’épée, western ou sports d’équitation : il semble si évident de voir dessinés des chevaux en action dans les BD qu’on n’y prête presque plus attention. Et pourtant, ce n’est pas si simple…
Dans les sociétés anciennes, le cheval était un animal extrêmement courant. Et pourtant, jusqu’au XIXe siècle, les artistes ne parvenaient pas à le représenter dans une allure très caractéristique, le galop. Tout simplement parce qu’on n’avait jamais pu faire poser un cheval dans cette position.
Le grand peintre Eugène Delacroix (1798-1863) lui-même, qui réalise de très nombreuses et magnifiques études de chevaux, au pas, au trot, cabrés, couchés, etc, ne parvient pas à dessiner une seule galopade réaliste. Pour Eugène Géricault (1791-1824), par exemple, les chevaux de course font des bonds en étendant leurs jambes un peu à la façon des chats.
Dans les années 1870, Etienne-Jules Marey, un médecin français vivant à Beaune, se spécialise dans la physiologie pour mieux soigner ses patients atteints de problèmes musculaires. Pour ses recherches, il utilise des capteurs électriques, en traçant des diagrammes qui lui permettent d’analyser techniquement les gestes humains.
Il fait de même avec certains animaux, dont le cheval. Il publie un ouvrage La Machine animale (1874) vivement critiqué, notamment par les artistes, car il s’oppose aux conceptions traditionnelles.
Collaborant avec un photographe anglais, Eadweard Muybridge, Marey poursuit ses travaux. En 1882, il invente la chronophotographie, procédé par lequel il parvient à prendre plusieurs photos d’un même mouvement. Dont le galop d’un cheval.
Désormais, les artistes pourront se baser sur ces études scientifiques pour approcher du réel, comme Charles Russell (1864-1926) ou Frédéric Remington (1861-1909), peintres du Far West. Par ailleurs, les travaux de Marey permettront aux frères Lumière d’inventer… le cinéma.
Cela nous rappelle que derrière un simple petit dessin de BD, il peut y avoir un grand professionnalisme.